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Le jour où Serge Gainsbourg est mort - La Voix du Nord

C’est le week-end de la fin de la guerre du Golfe. La nouvelle tombe dans la nuit du samedi au dimanche : «  Serge Gainsbourg est mort, apprend-on de bonne source auprès des sapeurs-pompiers de Paris », annonce à 00H35 l’AFP. Dans la soirée, devant la maison du 5 bis rue de Verneuil, Bambou, sa dernière compagne, s’est inquiétée quand il n’a pas répondu -personne n’a les clefs quand il compose- et a alerté les secours. On le retrouve gisant nu à même le sol.

Un choc mais pas une surprise tant l’auteur de Je t’aime moi non plus a brûlé la vie par les deux bouts. Les dernières années, Gainsbourg a cédé beaucoup de place à Gainsbarre, son Mr Hyde, augmentant encore sa consommation d’alcool et de gitanes et s’abîmant dans le monde de la nuit. Il y a eu déjà des alertes, la mort a frappé à sa porte. 1973, première crise cardiaque ; 1989, lourde opération du foie ; puis autre infarctus et nouvelle hospitalisation.

Il parle beaucoup de la mort, omniprésente dans sa vie - enfant, il a porté l’étoile jaune - et son oeuvre. Elle le terrorise. Comme un ultime pied de nez, il a scénarisé une vraie-fausse interview posthume que Libération publie le jour venu. « Bon je suis mort (…) C’est le coeur qui a lâché. Non, c’est plutôt une overdose de plomb. C’était assez foudroyant. Et puis, j’étais exceptionnellement faible », présage-t-il alors.

Beaucoup n’apprennent son décès qu’au petit matin. Le dimanche, des centaines de personnes, silencieuses, viennent déposer des fleurs ou écrire des messages sur la façade blanche de la maison déjà pleine de graffitis. Bientôt un lieu de pèlerinage.

« On est loin des grandes foules rassemblées devant les domiciles de Piaf, Claude François ou Dalida, quelques heures après leur disparition. Rue de Verneuil, pas de scènes d’hystérie, pas de sanglots, pas de portraits brandis. Plutôt une résignation devant cette mort annoncée depuis longtemps par Gainsbourg lui-même », témoigne un journaliste de l’AFP.

Entre Baudelaire et Sartre

Les proches défilent, son ex-compagne Jane Birkin en tête. Un rabbin passe dire les prières rituelles. Le président François Mitterrand salue dans un télégramme « son amour de la langue et son génie musical ». L’une de ses muses, Brigitte Bardot, l’interprète de Harley Davidson, pleure à distance un homme « irremplaçable qui se détruisait depuis longtemps ».

Le Canard enchaîné republie son premier article consacré à Gainsbourg en 1958, à la sortie du Poinçonneur des Lilas. Une chanson « sombre, fiévreuse et belle », vibrait Boris Vian.

Le 7 mars, après un hommage au funérarium de Nanterre, où son cercueil est exposé deux jours, c’est l’heure du dernier adieu au cimetière du Montparnasse. Dans la sobriété.

Sous un soleil printanier, l’artiste est enterré avec ses parents Joseph et Olga Ginsburg, des immigrés russes juifs. Une plaque grise avec ces simples mots : « Serge Gainsbourg 1928-1991 ».

Au milieu des proches, de ses plus jeunes enfants, Charlotte et Lulu, et de personnalités, Catherine Deneuve, pour qui il a composé Dieu est un fumeur de havanes, lit en guise d’homélie le texte d’une chanson écrite pour Jane, Fuir le bonheur avant qu’il se sauve.

« Quand j’aurai disparu, lance au moins quelques orties sur ma tombe, mon p’tit Lulu », plaidait l’artiste en préface d’une chanson dédiée à son fils. Le cercueil est recouvert d’une montagne de fleurs blanches…

Entre Baudelaire et Sartre, il repose dans le « trou » chanté par le « poinçonneur » : « Se faire un petit trou, un dernier petit trou et on me mettra dans un grand trou ».

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